Les chants sur les baleiniers
CHANTS DE MARINS - 11/17 - Les baleiniers
La pêche à la baleine a été très florissante au 19esiècle, principalement dans les pays anglo-saxons mais aussi, ce qui est moins connu, en France. Celle-ci avait été le berceau des marins baleiniers - Basques et Normands y chassaient les cétacés près de leurs côtes dès le bas Moyen Age -, puis la pêche y avait périclité au point qu'à la fin du 18e siŠcle il n'existait plus dans le Royaume un seul harponneur en activité. Mais l'activité renaît sous la Restauration grâce à des mesures de relance gouvernementale. Un armateur américain, Jeremiah Winslow, sera le premier à en profiter. Dès 1817 il s'installe au Havre, dont il fait bientôt le premier port baleinier du pays, devant Nantes. C'est entre 1830 et 1850 que se situe l'apogée de la pêche ; en 1837, année record, 41 navires quittent les ports fran‡ais. Le den1ier voilier (le Winslow) rentrera de son ultime campagne en 1868.
La célèbre chanson du Père Winslow fait certainement allusion à l'armateur havrais (ou à un de ses cousins, le capitaine Joseph Winslow) :
Les baleiniers avaient certainement le plus dur et le plus hasardeux des métiers liés à la mer. Les campagnes pouvaient durer jusqu'à trois et quatre années. Les navires sillonnaient le Pacifique, des côtes du Chili à l'Alaska, à la recherche des baleines ; mais c'était surtout au sud de l'Australie et en Nouvelle-Zélande que se faisait la pêche.
Durant ces longs mois passés sur des mers souvent dures, les avaries et les naufrages étaient fréquents, comme le rappellent de nombreux journaux de bord de baleiniers. Parfois l'équipage se retrouvait isolé sur une côte inhospitalière, quand ce n'était pas sur une île peuplée d'indigènes hostiles. Les matelots traitent pourtant avec humour de ces évènements souvent tragiques, ainsi dans cette chanson de gaillard :
Sur un îlot de cannibales
Nous avions dû nous réfugier
Pour voir si nous étions mangeables
Ils commencèrent par nous palper.
C'est durant les longues heures passées à virer au guindeau pour dépecer la baleine que les matelots chantaient le plus, pour soutenir leur travail. Deux chants à virer adoptés par la suite sur les long-courriers y font allusion : Hardi les gars vire au guindeau et Le Père Winslow.
Il est certain par ailleurs qu'un répertoire original, spécifique aux baleinier a dû exister. Il semble malheureusement en grande partie perdu. Parmi les chants qui nous sont parvenus, beaucoup sont influencés par les mélodies anglo-saxonnes. La présence dans les années 1820 de nombreux marins américains - qui pouvaient constituer jusqu'aux deux-tiers d'un équipage - l'explique aisément. On peut supposer que les mélodies de Hardi les gars vire au guindeau, Encore un coup lahoura et Le Père Winslow sont passées par ce canal. D'autres chansons pleines d'intérêt ont survécu comme Pique la baleine ou Les Cannibales.
Piques la baleine BA
Dans son livre Les Derniers baleiniers français, le commandant Lacroix publie aussi plusieurs chants inédits comme La Pêche baleinière ou Le Chant des baleiniers pour virer au guindeau. Ces textes, très "marins", riches en détails techniques et en expressions de métier, décrivent bien la vie des baleiniers ; ils ont sans doute été composés ou refaits par quelques officiers ou chirurgiens de l'Arrière, bons praticiens de la pêche et familiers du chant populaire :
Une autre chanson publiée par le commandant Lacroix, vraisemblablement d'origine plus ancienne, mêle plusieurs thèmes traditionnels (Le Pont de Morlaix, Le Navire merveilleux) ; le refrain décrit les diverses opérations du charpentier affûtant les outils que lui passe un matelot :
Pique la baleine
Joli baleinier
Passe-moi la pelle
Je veux l'aff–ter.
J'ai rencontr‚ mam'zelle Hélène
Pique la baleine
Joli baleinier
Allons naviguer
La fille de mon capitaine
Pique la baleine
Joli baleinier
Arrête à tourner.
..."Et la chanson continue par un nombre indéfini de couplets au gré de l'imagination du conteur qui décrit la vie à bord. La tradition indique cinquante couplets au bout desquels on recommence."