Les chants de travail
CHANTS DE MARINS - 2/17 - Les chants de travail
Les chants de travail : une nécessité
Chanter en travaillant est une pratique qui a quasiment disparue de nos jours. C'était pourtant autrefois très habituel chez les artisans (maçons...) et dans les manufactures (tisserands, conserveries de poisson...). Cette pratique était même encouragée car, loin de gêner le travail, elle favorisait plutôt l'activité et le cœur à l'ouvrage.
Dans la marine, plus encore qu'ailleurs, le chant est absolument nécessaire au travail : il guide la coordination des mouvements lorsqu'il faut hisser les voiles, il donne la cadence lorsqu'il faut souquer sur les avirons, et il encourage les matelots lors de manœuvres longues et fastidieuses, par exemple pour virer l'ancre au guindeau ou au cabestan.
Cette pratique est très ancienne, on en retrouve des témoignages depuis le 15ème siècle, et même dans certains textes de l'antiquité. Mais cette tradition s'est surtout développée au 19ème siècle avec l'apparition des grands voiliers : les manœuvres deviennent plus nombreuses et plus difficiles, et demandent plus de coordination dans l'effort. Sur les grands clippers américains, les chants de travail se diversifient et se spécialisent.
La fin d'une tradtion
Mais ces chants de travail, apparus au 19ème siècle grâce au progrès technique, vont disparaître rapidement à cause de lui dés le début du 20ème siècle . Les grands clippers, qui font souvent plus de 100 mètres de long et comportent parfois plus de 6000 mètres carrés de toile, ne sont plus désormais manœuvrés que par un équipage réduit, parfois une vingtaine d'hommes : les systèmes de gréement ont été améliorés, les treuils ont été perfectionnés, des moteurs ont été installés sur les cabestans, etc. Enfin, les navires propulsés par des chaudières remplacent en une trentaine d'années seulement les voiliers. Dans les années 30, les trois-mats ont déjà presque disparu, et avec eux les chants de manœuvre.
Les chants de travail perdureront encore quelques temps sur les voiliers de cabotage et les bateaux de pèche, ou chez les terre-neuvas, avant de disparaître définitivement en tant que tels. Ils ne subsistent aujourd'hui dans leur contexte de travail que sur les côtes africaines, à bord des boutres de l'Océan Indien, ou sur les jonques de la Mer de Chine.
C'est dans le monde maritime anglophone que s'est le plus développé cette tradition des « chants de marins », nommés shanties. Beaucoup de ces chants sont passés dans la tradition française, traduits ou adaptés. On notera avec cependant quelques différences :
- Les chants de marins français sont marqués principalement par des influences bretonnes, alors que les chants anglo-américains ont assimilé des influences très variées : anglaises, irlandaises, antillaises…
- Les shanties américains sont fortement marqués dans leur rythme et dans leur structure par les musiques des esclaves noirs du sud des USA.
- Enfin, les chants à répondre, fréquents dans les chants à virer notamment, sont une tradition propre à la France et n'existent pas dans les autres répertoires européens.